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All in "The poker movie"


Gilles 6.7

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  • Membre Alsace Poker 2023-2024

Pour cette enquête passionnante, le réalisateur Douglas Tirola a fait appel à tous les acteurs de la scène poker : présentateur des WPT, inventeur de la micro-caméra, producteurs de shows TV, directeurs de tournois et bien sûr, beaucoup, mais vraiment beaucoup de joueurs. Ce n’est pas compliqué : Phil Hellmuth, Daniel Negréanu, Phil Laak, Barry Greenstein, Greg Raymer, Joe Hachem, Vanessa Rousso, Chris Ferguson, Howard Lederer, Annie Duke, Amarillo Slim, Scotty n’Guyen : ils sont – presque -tous là.

Si le parti pris de choisir Chris Moneymaker en fil rouge étonne dans les premières minutes, force est de constater l’intelligence du choix : en effet, quoi de plus logique que de suivre celui qui a mis le feu au poudre de l’industrie poker en remportant avec 50$ - prix de son satellite par internet - le plus gros tournoi de tous les temps en 2003, permettant ainsi à des milliers de joueurs amateurs de s’autoriser à rêver battre les pros.

Force est de constater également l’émotion immense ressentie dans la salle après avoir vu cet homme parler de son addiction au jeu – et des dettes immenses qui en ont résulté -, de son désespoir de ne pas pouvoir vendre son ticket du Main contre de l’argent avant de frémir avec lui quand il sort consécutivement Johnny Chan, Phil Ivey et finalement Sam Farha (suite à un coup de bluff rentrée depuis dans les annales). Son père se jette alors dans ses bras, le public a la larme à l’oeil et l’écrasante machine à rêve du poker est inexorablement lancée vers le grand public.

Pour de nombreux intervenants du film, le poker explose car il ressuscite un rêve américain qui commençait à manquer de héros. Le monde, et plus particulièrement l’Amérique, aime les self-made man. Les hommes libres, partis de rien et arrivés au sommet à force de combat. Et le poker, c’est ça. Le réalisateur nous propose d’ailleurs un retour en arrière ultra-documenté pour explorer les racines de ce jeu, où comment on est passé du cow-boy au colt fumant à un monsieur Toutlemonde qui rêve de paillettes et de gloire.

Suivons l'enquête. S’il est vrai que le poker a ses origines en Louisiane, sur les grands bateaux à aubes où le jeu était autorisé puis dans le far-west du 19e siècle, la réelle explosion des jeux de tables a eu lieu dans les années 50, peu après la seconde guerre mondiale. Les soldats, entre deux combats, avaient en effet pris l’habitude d’oublier les bombes en jouant aux cartes. Et l’habitude est restée puisque la quasi-totalité dans l'Amérique d'après-guerre ont une table de jeu dans leur salon, histoire d’inviter les copains à passer boire un verre tout en s’amusant.

Arrive ensuite le deuxième pic du poker au début des années 70 et la naissance de sa première star : le désormais légendaire Amarillo Slim et sa dégaine de cow-boy total-look : chapeau orné d’un crotale, boots pointues et ceinturon texan. Il est le premier joueur de poker à passer à la télévision et à être considéré, après sa victoire lors des tous premiers WSOP, comme l’incarnation du rêve américain. Le public redemande ses petites phrases si loin de leur quotidien : "Le problème au poker, ce n’est pas de gagner de l’argent. C’est de sortir vivant de la ville". Le jeu devient à la mode. C’est de plus l’arrivée tonitruante du jeune génie Stu Ungar qui à 26 ans donne de bonnes leçons à l’ancienne génération. Le poker fascine et emballe les spectateurs.

Mais toute apogée a sa fin, et le poker entame sa lente chute au milieu des années 80 : les jeunes voient désormais les cartes comme un moyen de tromper l’ennui. Hors, quand on est adolescent, on sort, on drague, on compte fleurette ! Seuls les nerds acnéiques et les papys séniles semblent encore vouloir jouer dans les arrières salles. Les casinos ferment leurs poker room. Même au Binion’s, en dehors des WSOP, on ne joue plus au poker ! C’est ringard, plus personne ne veut de ce jeu de cow-boy attardés alors que la télévision et autres ordinateurs primitifs commencent à se répandre dans les foyers.

Comme le dit Ferguson : "Dans les années 90, quand je disais que j’étais joueur de poker, on me regardait avec une pitié qui signifiait : mon dieu comme je te plains". Heureusement que la sortie du film "Rounders" en 1999 bouleverse la donne, dopant l’image du poker à nouveau. Matt Damon, un des intervenants du documentaire, parle d’ailleurs de la fascination qu’il a immédiatement ressentie à la lecture du scénario pour ce milieu dont personne ne savait rien. Le documentaire nous offre également la vision du scénariste de "Rounders", dont le choc de découvrir le May fair Club de New York fut à l’origine de ce qui est encore considéré aujourd’hui comme le plus beau long-métrage n’ayant jamais été fait sur le poker.

Puis vient le choc Henry Orenstein. Personne ne connait le nom de cet homme - inventeur par ailleurs des jouets Transformers -. Qu’a donc bien pu inventer cet homme pour bouleverser le monde du poker à jamais ? Un objet qui nous semble maintenant acquis et normal mais qui fit l’office d’une véritable révolution dans le monde du poker : les minis-caméras incrustées dans les tables pour permettre aux spectateurs de voir les cartes. Suspense maximum, secrets dévoilés, bluffs à vue, leçons de jeu : tout devient possible avec cette technologie achetée tout d’abord par le WPT et Steve Lipscomb. Les joueurs ne se sont d’ailleurs pas montrés réticents bien longtemps. La starisation dans laquelle ils allaient être plongés allait largement compenser le désagrément de montrer sa façon de jouer… Autographes, spectateurs plus nombreux que jamais, arrivée des sponsors, le boom du poker commence vraiment avec Henry Orenstein.

Et c’est parti pour la fascination sans fin du public pour ce qui est décrit par les sociologues comme une véritable intrigue Shakespearienne : une partie est belle quand elle regroupe des gentils, des méchants, de belles et - de préférence - cruelles répliques, un suspense insoutenable et la victoire éclatante d’un des protagonistes . Comme le rajoute un des journalistes du film : "L’Amérique n’aime rien tant que de voir le méchant Phil Hellmuth sauter d’un tournoi. A chaque fois, ce sont des millions de spectateurs en plus".

Immédiatement après, c’est le poker on-line qui déboule "comme un franchissement digital de mur du son" (dixit Nolan Dolla). D’un seul coup, ce sont des millions de particuliers qui ont accès au poker de chez eux, sans même à avoir à franchir les portes – souvent redoutées - des casinos. Mais internet n’a pas conquis tout de suite ; il a d’abord fallu rassurer le client sur les problèmes de triche, de paiement et convaincre les joueurs que ce n’était pas une aberration de ne pas voir son adversaire dans les yeux… Mais Paradise Poker ouvre la voie et Party Poker rentre dans le tas comme une fusée, démolissant tout sur son passage. La loi UIGEA de Bush en 2003 met brusquement fin à l’histoire : les sites de poker on-line sont interdits aux USA et Ruth Parasol –co-fondatrice de Party - est contrainte de fuir à l’étranger avec ses milliards sous le bras.

Les réactions des joueurs quant à cette loi sont unanimes : "Je serais ravi qu’une nouvelle loi autorise les jeux en ligne et que l’état taxe les gains. J’ai envie de payer des impôts pour mon pays et de pouvoir jouer de chez moi" (Negreanu). "La décision que Bush a prise n’avait rien à voir avec le respect d’une quelconque morale puisque les paris ou le blackjack sont autorisés. C’était une décision politique qui a été prise sous l’inffluence de lobby puissants" (Greenstein).

Pour l’instant rien n’est joué, le poker en ligne reste interdit et le film touche à sa fin. Dernières images. Moneymaker pleure de joie devant sa tonne de billets, les spectateurs dans la salle rêvent eux aussi de millions et les lumières se rallument sous les applaudissements nourris d’un public ravi. Ce film a d’ailleurs reçu le prix du meilleur documentaire à l’issue du Festival CinéVegas. Car précisons qu’en plus d’être remarquablement documenté – et nourris de mille images d’archives -, ce documentaire est monté de la façon la plus dynamique qu’il soit. La temps file vite, pas le temps de s'ennuyer, les interviews défilent, le tout sous un délicieux fond de jazz façon Nouvelle Orleans. Histoire de ne pas oublier non plus où tout a commencé…

Nota : Le film est diffusé en ce moment aux USA mais sa date de sortie en France n'est pas encore fixée...

Source: made in poker

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